Fiche technique
Titre : I confess / La Loi du Silence
Réalisation : Alfred Hitchcock
Production : Alfred Hitchcock, Warner Bros
Scénario : George Tabori et William Archibald, d'après la pièce de Paul Anthelme, Our Two Consciences.
Année : 1952
Avec : Montgomery Clift, Anne Baxter, Karl Malden
Résumé
Dans la ville de Québec, Otto Keller, vêtu d'une soutane, assassine un avocat pour lui dérober son argent. Le même soir, il confesse ce meutre auprès du père Logan. Quelques jours plus tard, deux fillettes déclarent avoir vu un prêtre quitter les lieux du crime le soir du drame. Les soupçons de l'inspecteur Larrue, chargé de l'enquête, se portent aussitôt sur le père Logan, qui ne peut se défendre en révélant le véritable coupable, secret de la confession oblige...
Un chef d'oeuvre hitchcockien... pour les catholiques?
I confess est classé parmi les films mineurs d'Alfred Hitchcock, mais est souvent considéré comme sa plus belle oeuvre esthétique, voire son chef d'oeuvre visuel. Comment expliquer alors que ce film policier soit si méconnu? Dans ses entretiens avec François Truffaut, le cinéaste explique qu'il savait déjà que le sujet de son film ne parlerait pas à son public états-unien habituel, généralement composé de protestants et d'athées. Selon lui, pour un non-catholique, cette histoire de secret de la confession était un non-sens, ne pouvant pas comprendre la motivation éthique et spitituel qui pousse un prêtre à se faire accuser d'un meutre plutôt que de dénoncer le coupable. Possédant des origines irlandaises, Hitchcock a été élevé dans la tradition catholique, mais n'a pourtant pas tourné son film dans le pays de ses ancêtres. Présenter l'histoire d'un prêtre ayant déjà été amoureux d'une femme dans le passé, et qui lui a même fait un enfant, ne pouvait pas se faire dans l'Irlande religieuse de l'époque. Alors, Hitchcock s'est tournée vers le Québec des années 1950, qui était probablement la deuxième terre la plus catholique au monde, alors. Toutefois, Hitchcock a dû modifier quelque peu son scénario : plus d'enfant illégitime, et le prêtre devait survivre à la fin, n'étant plus condamné à mort. La relation amoureuse devint édulcorée, mais toujours présente. Hitchcock devait aussi se plier à la volonté de chaque prêtre qui lui ouvrait la porte de son église. Acceptant le compromis, le cinéaste réalise tout de même un film intimiste rempli de beauté et de personnages captivants, mais destiné à un public très restreint.
La somptuosité de l'image
La ville de Québec possède une atmosphère étrange, idéale à ce genre de film où le mystère et l'enquête se côtoient, car, enfant du film muet, Hitchcock semble avoir emprunté l'iconographie d'I Confess aux films expressionnistes et noirs. Le maître du suspense a mis au service du récit les différents éléments du décor. Ainsi, le château Frontenac renforce l'exotisme du film, et semble lui donner ce petit côté irréel. Les aspects cléricaux de la ville appuient l'idée de la mainmise religieuse sur l'idéologie populaire. Les escaliers extérieurs aux immeubles, singularités architecturales qui semblent fasciner les Britanniques, permettent à Hitchcock d'introduire une des plus belles scènes de son cinéma. Je parle de la scène où Ruth (Anna Baxter) descend les escaliers, toute de blanc vêtue, pour rejoindre Logan (Montgomery Clift) qui l'attend amoureusement. Ce moment exprime le bonheur et l'innocence, fait très rare dans la filmographie de ce cinéaste. Le côté presque onirique de Québec, et le fait que ce passage soit un souvenir de Ruth, donc un moment intérieur et subjectif, permettent à Hitchcock de créer cette scène qui pourrait se résumer en un seul mot : MAGNIFIQUE! Puisque Hitchcock avait conscience qu'I Confess serait peu diffusé, il s'est permis beaucoup de libertés, dérogeant dès lors de plusieurs de ses tics habituels, et se permettant la beauté naïve.
On peut aussi prendre en compte dans le visuel les lignes naturelles créés par la ville de Québec, et les lignes artificielles issues de l'imaginaire du réalisateur. Tout le film semble pensé selon ces lignes. Les horizontales me paraissent liées au paysage, à l'exotisme et au bizarre. Les lignes diagonales semblent soutenir les scènes amoureuses et les souvenirs. Et les lignes verticales me semblent évoquer la droiture morale et politique du protagoniste, le père Logan, reflétant par là son conflit interne entre liberté et foi. D'ailleurs, la grande majorité de l'action, à l'écran, se déroule à droite. Cette façon presque mathématique de penser, combinée à la subjectivité des personnages et des sentiments, donnent à I Confess une vie entre l'irréel et le réel, entre le fantômatique et le matériel.
En conclusion, I Confess est difficilement accessible pour qui ne comprend pas bien le concept de la confession catholique, mais il vaut la peine d'être vue pour sa magnifique photographie, ainsi que pour l'interprétation des personnages, dont j'ai très peu parlée d'ailleurs, mais qui n'est pas à négliger pour autant. En effet, Clift, Malden et Baxter offrent une performance égale à la hauteur de leurs réputations, même si l'interprétation de Clift lui valut un différent irrémédiable avec Hitchcock. En effet, le maître du suspens n'a jamais été reconnu pour son amour des comédiens, et Clift, soucieux de rendre visible à l'écran l'intériorité de son personnage tourmenté, n'a pas aimé travailler avec le réalisateur qui ne lui donnait que trop peu d'indications sur son jeu. Étant donné que Montgomery Clift demeure encore à ce jour un des acteurs les plus marquants du vingtième siècle grâce à ses innovations et à l'influence qu'il a pu avoir sur hollywood, on ne lui reprochera pas. D'ailleurs, il a parfaitement réussi à rendre l'intériorité de son personnage pourtant taciturne (La loi du silence comme l'indique le titre français...) avec ce regard tourmenté, avec une tristesse constante presque inquiétante. De plus, le côté légèrement francophone du film, fait rare pour un film hollywoodien à l'époque, confère aussi à I Confess un côté intéressant, presque sociologique pour le spectateur d'aujourd'hui. Sans parler que ce film diffère largement du style hitchockien habituel, offrant ici et là des choses différentes, parfois ratées, parfois réussis, de la part d'un cinéaste trop habitué à refaire la même formule. Bref, c'est un film que je conseille absolument. Ne serait-ce que pour voir un Hitchcock différent.
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