samedi 26 mars 2011

Théâtre de revenants - de Steven Heighton

 Théâtre de revenants de Steven Heighton.
Traduit de l'anglais par Christine Klein-Lataud.
L'instant même, Québec, 1994, 315 pages.

À Osaka, les écoles d'anglais fleurissent. Beaucoup d'étrangers habitent le quartier bon marché du parc Nagai — sans pour autant se rencontrer jamais. Steven Heighton raconte l'histoire de ces Occidentaux qui veulent tout savoir, tout sentir du Japon. Un missionnaire canadien divorcé y retourne avec la fille qu'il a eue d'une Japonaise, un professeur d'anglais est enlevé par des malfrats qui se disent les samouraïs de notre temps, un autre doit affronter l'écart qui se creuse de jour en jour entre le Japon de ses rêves et celui de ses élèves. D'un proverbe ancien, de la Deuxième Guerre mondiale, de la pluie qui tarde, Steven Heighton crée des scènes prenantes sur l'impossible rencontre de deux mondes. 
Mon point de vue
Je n'avais jamais lu de livres canadiens-anglais (non, même pas Nancy Huston), alors, connaissant mal cette littérature, je me suis attelée à la besogne de la découverte culturelle. C'est par un recueil de nouvelles que j'ai donc commencé : Théâtre de revenant de Steven Heighton.

Chacune de ces nouvelles ont un point commun (au minimum) : l'Asie. En effet, Heighton raconte le « clash » entre l'Extrême-Occident et l'Extrême-Orient, le dépaysement culturel des Canadiens anglais et des États-Uniens au pays du Soleil-Levant.

Comme dans la majorité des recueils de nouvelles que j'aie pu lire dans ma vie, l'équilibre n'est pas parfait, les nouvelles tanguant entre le captivant et l'inintéressant, entre l'action et l'intériorité. Mais à la manière du Taijitu, le tout est indissociable. Le yin se mêle au yang, et nous montre autant d'illusions brisées que de rêves réalisés. Au fond, on pourrait dire que ce recueil porte sur le fait que le voyage permet à l'humain de se réaliser, en le confrontant à une culture différente afin de l'aider à mieux comprendre la sienne.

Il n'y en a qu'un point négatif, mais il me dérange beaucoup. La raison pour laquelle je n'avais jamais posé les yeux sur un livre canadien-anglais, c'était par crainte d'y trouver des propos haineux emvers les Québécois ou les Premières Nations. Hé bien, ma crainte fut fondée, même si légèrement, si je me fis à la dernière nouvelle, « Les sentiers célestes de l'Empereur », où des personnages pestent contre « ces frenchies meurtriers sur les autoroutes, qui refusent de se soumettre à la toute puissance de la couronne britannique, et qui en plus, obligent les gens vivant sur le territoire du Québec depuis plus de cinq générations à apprendre au moins un mot de français... ». Je paraphrase, mais c'est à peu près cela que disent les personnages. Déçevant, vraiment. Cela ne me donne pas envie de renouveler l'expérience. Mais d'un autre côté, je me dis que je ne dois pas buter sur un seul propos, et continuer mes découvertes dans la littérature de cette culture.

D'ailleurs, dans l'ensemble, ce recueil est très bien, excellent même. Certaines nouvelles sont bouleversantes et marquantes pour l'esprit. Elles nous suivent durant plusieurs jours. C'est pourquoi je le recommande malgré ce petit côté royaliste qui transparaît parfois, surtout dans la dernière nouvelle (juste avec son titre, on peut y voir un lien). Je ne me suis pas ennuyée durant cette lecture, et son format m'a permis de l'étendre sur plusieurs semaines sans problème. L'écriture est intelligente et réfléchie. À mettre dans la liste « à lire » donc...


Extrait
Quelques jours avant Noël, à la fin de mon contrat d'enseignement, je fus kidnappé par la mafia japonaise.
Juste avant mon premier cours de l'après-midi, j'entendis la porte de l'école s'ouvrir brutalement. J'étais à la machine à café, et je me retournai avec un sourire poli, m'apprêtant à saluer un élève arrivé en avance ; deux yakuza se tenaient sur le seuil. Le trapu portait des Ray-Ban métalissées et les yeux minuscules du grand furetaient partout, inquisiteurs. Blousons de cuir brun cafard, pantalons noirs bien repassés, chaussures vernies à bout pointu. Cheveux permanentés, bien sûr, quoique ceux du grand se soient résumés à quelques boucles sur un crâne luisant.
- Théâtre de revenants, « "Un homme sans maître..." », p. 259.

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