dimanche 15 juillet 2012

Leonardo: le dernier voyage du Mandeville - Tome 2 - de Matthieu Legault

Leonardo: le dernier voyage du mandeville - Tome 2, Matthieu Legault, Les éditeurs réunis, 2011, 256p, ISBN: 978-2-89585-090-8

Quatrième de couverture
Après l’incendie qui a ravagé l’atelier du grand maître Verrocchio, la vie reprend tranquillement son cours normal à Florence, la capitale des arts.

Les tensions entre Botticelli et Leonardo se sont calmées, mais les deux garçons ne s’entendent toujours pas, au grand désespoir de leur maître. Ce dernier les envoie en mission vers la Chine dans l’espoir de créer un rapprochement entre les deux artistes.

Accompagnés de Vito et Vera, les amis de Leonardo, les apprentis embarquent sur le Mandeville pour un voyage en mer riche en émotions et en aventures. Avec les autres à bord, Leonardo devra affronter des navires ennemis, braver une tempête infernale et libérer un des siens séquestré par des pirates mal­veillants… Le jeune génie arrivera-t-il – avec quelques inventions extraordinaires et son sens de la stratégie hors pair – à gagner l’Extrême-Orient sans y laisser sa peau? 





Voyage dans l'imaginaire
 Lors de mon billet sur le premier tome, je disais ceci :
Il y a de ces romans qui font voyager par-delà les mers, par-delà les montagnes, si loin que l'aventure devient le moteur même de l'histoire. La transcendance des mots amène un monde de liberté et de terres sauvages si différent du nôtre qu'on accepte le périple textuel avec plaisir. On ne sait jamais qui on rencontrera au détour d'un chemin : flibustier, sorcière, chevalier, saltimbanque, créature elfique, monstre... Leonardo: l'atelier du grand Verrocchio est un livre de ce type. Grâce à ce récit, j'ai été transporté de ma chambre vers la première Renaissance italienne, au milieu des humanistes et des inventeurs, des grands peintres et des explorateurs. J'y ai rencontré Léonard de Vinci, Sandro Botticelli, Le Verrocchio, Laurent de Médicis et, même, Christophe Colomb.
Cette capacité à créer du rêve parsème encore plus l'imaginaire du deuxième tome de Leonardo. En lisant ce roman, je me suis retrouvée sur une caravelle commerciale, parmi des marins passionnés par les sept mers, en direction de la Chine de jadis. J'ai porté des étoffes aux riches tissus en compagnie de Leonardo. J'ai senti l'odeur du sel et des grands vents maritimes en prenant le soleil sur le pont. Je me suis laissée bercer par le bruits des vagues, jusqu'à atteindre un état de grande paix. J'ai craint tempêtes et pirates avec une angoisse réelle. J'ai même eu le vertige à cause du bateau qui tanguait sans cesse! Tout cela, je le dois à la plume de Matthieu Legault, qui transmet avec une grande sensibilité les sens et les images propres à un tel récit. Grâce à une rigueur historique qui reflète une forte passion de la part de l'auteur, la projection devient aussi aisée que la lecture. Mais l'imagination ne demeure pas en reste pour autant : des personnages atypiques et des technologies anticipées rappelle le caractère fictif de cette œuvre. Une tentative qui pourrait être fâcheuse si elle était maladroite. Or, il n'en est rien. Tout est maîtrisé d'une main de maître, ou plutôt, de mots d'écrivain. Le recours à des références tant historiques que littéraires (La divine comédie de Dante, par exemple) donne une profondeur ainsi qu'une qualité inestimables à l'ouvrage. Encore une fois, nous sommes plongés dans un roman jeunesse d'une haute valeur, tout-à-fait du même niveau que les romans pour adultes. Je n'y trouve rien de négatif. Je suis même entrée dans l'histoire du premier coup cette fois-ci, contrairement à ma lecture du tome 1. Bref, vous aurez compris que je recommande cette série et ce tome à tout ceux qui ont envie de s'évader dans leur propre imaginaire en compagnie des grands esprits de la Renaissance : Leonardo Da Vinci, Sandro Botticelli et Christophe Colomb, ainsi que tous leurs amis-es à la personnalité si attachante.

Extrait

lundi 9 juillet 2012

Moïse : l'affaire Roch Thériault - par Mario Azzopardi

Fiche technique
Savage Messiah / Moise : l'affaire Roch Theriault
Réalisé par Mario Azzopardi
Nationalité : québécoise 
Date de sortie : 2002
Société de production : Christal Films
Avec Polly Walker, Luc Picard,  Isabelle Blais, Isabelle Cyr, Julie LaRochelle et Pascale Montpetit.

Synopsis (source)
Inspiré d'un fait vécu. Roch Thériault (Luc Picard), le chef d'une étrange commune, vivait avec ses 8 femmes et ses 26 enfants. Une travailleuse sociale (Polly Walker) devine, malgré les apparences trompeuses, le désespoir des femmes de Thériault lors d'une visite de la commune. Malgré l'indifférence de ses collègues de travail, elle entreprend une enquête qui mène à de terribles découvertes; un enfant mort, d'étranges rituels ainsi que de graves cas de violence physique et psychologique. Se faisant, elle met sa carrière et sa vie en jeu. Elle est toutefois prête à surmonter tous les obstacles pour libérer de l'emprise de Thériault les membres de cette étrange communauté. Elle doit également affronter Thériault qui manipule avec une étonnante facilité les gens et le système, y compris les enquêteurs nommés par le tribunal.
  
Mon appréciation
Roch Thériault, dit Moïse, n'est plus à présenter. Un des plus dangereux criminels au Canada (en tête de liste avec les tueurs en série!), fondateur d'une des pires sectes de l'Amérique du Nord, son histoire va longtemps continuer de faire jaser. Comme disait l'une de mes anciennes prof de philo : « pour connaître les critères d'une secte, il suffit de regarder celle de Thériault : elle les a tous à sa liste, atrocités comprises ». Vous m'excuserez donc si ce billet révèle quelque peu le film, mais cette histoire est si connue que je ne crois pas vendre beaucoup d'éléments de l'intrigue.

Moïse : l'affaire Roch Thériault, c'est donc la troublante histoire de la secte fondée par Roch Thériault, la prétendue réincarnation de Moïse, après son établissement en Ontario. La partie concernant le Québec n'est donc pas présente dans le film, qui se concentre sur les dernières années de la communauté.

Le drame
Lentement, mais sûrement, le film retrace les atrocités commises par Thériault sur ses huit concubines et leur ribambelle d'enfants dans sa communauté autarcique : violences psychologiques et physiques, faim, travail forcé, humiliations, abus sexuels, incestes, tortures, esclavage, amputations, meurtre... Lentement, la tension monte et l'horreur se dévoile au grand jour, sous nos yeux. Et lorsqu'on respire enfin, devant la fin d'une abomination, c'est pour mieux retenir son souffle devant la révélation d'une nouvelle. Je crois que la grande force de ce film, c'est cette capacité à produire une horreur si crédible, perpétrée au nom de la vision égocentrique de l'amour du Messie sauvage. Impossible de fermer les yeux en se disant que ce n'est que fiction, car l'histoire est vraie. Et plus que troublante.

Le Messie sauvage
Le meilleur point du film, c'est cette magistrale interprétation de Luc Picard dans la peau de Rock, Moïse, Thériault. Intense et cruel à souhait. Difficile de croire qu'un acteur réputé si gentil se cache derrière ce personnage mauvais et manipulateur. Avec ce genre de rôle, le risque, c'est de surjouer. Faire de gros yeux méchants-méchants à tout bout de champ pour dire que le monsieur est méchant-méchant. Or, l'interprétation de Picard est juste et maîtrisé. Les regards de mépris lancés par celui que l'on surnomme parfois le Charles Manson canadien sont crédibles et lancés au bon moment et à la bonne personne. En fait, Luc Picard réussit à dégager un véritable sentiment de violence et de folie qui crée une peur réelle. Un acteur prodigieux et un grand rôle.

La réalisation
Par contre, un bémol constant me dérange dans ce film : sa réalisation. En effet, celle-ci vieillit mal. Je pense que le réalisateur n'a pas voulu dépasser le vulgaire stade « série télé-fait vécu ». Du coup, le film n'est qu'une série de plans fixes, avec très peu de mouvements de caméra, d'insertions d'images douteuses et même de couleurs fades. Son petit budget s'adaptait pourtant très bien à ce style d'histoire. Dommage, car ce film avait un bon petit potentiel indépendant. Du coup, c'est vraiment pour le scénario qu'il faut regarder Moïse : l'affaire Roch Theriault, et non pour la technique.

Le test de bechdel
J'ai soumis ce film au test de bechdel. Voici les résultats :

Y a-t-il au moins deux personnages féminins dans le film, avec un nom? : Oui, et une douzaine de femmes à part de cela!
Qui parlent l'une avec l'autre? : Oui, et ce, à plusieurs reprises.
Au sujet d’autre chose qu’un homme ? : C'est là que le bât blesse. La majorité des conversations tournent soit autour de leurs anciennes aventures de couchette, soit du personnage de Moïse. Ces femmes peuvent parler durant 5 secondes de leurs émotions propres, mais l'associent aussitôt à Roch Thériault ou à l'ex mari de la travailleuse sociale.
Ces femmes, avec un prénom et qui entretiennent la conversation, parlent-elle d'autre chose que des hommes durant au moins une minute? : Donc, elle parle d'autre chose que d'un homme, mais pas durant plus de 10 secondes dans tout le film. Le film échoue donc le test, malgré sa distribution presque entièrement féminine. Et c'est dommage. Le film aurait eu plus de profondeur si les personnages féminins auraient hérités d'une personnalité propre.
 
En conclusion, Moïse : l'affaire Roch Thériault, un film poignant sur une tragédie humaine qui aura bouleversé le Canada.

Un extrait du film
http://www.addik.tv/cinema/moiselaffairerochtheriault/

lundi 25 juin 2012

Le test de Bechdel

Dorénavant, tous* les films critiqués sur ce blogue seront soumis au test de Bechdel.

En quoi consiste ce fameux test?

Développé à l'origine par Alison Bechdel et Liz Wallace dans la bande-dessinée Dykes to Watch Out For, il s'agit d'une grille d'analyse féministe qui mesure d'une très simple façon la présence féminine dans les films.


Ce test se décline selon trois critères :
  1. Y a-t-il au moins deux personnages féminins dans le film, avec un nom...
  2. qui parlent l'une avec l'autre…
  3. au sujet d’autre chose qu’un homme ?
Et lorsqu'on dit d'autre chose qu'un homme, on dit n'importe quel sujet, stéréotypé, comme des chaussures, ou insignifiant, comme une chaise, une perruche, le caca du chien-chien... Pas besoin de profondeur ou de philosophie pour passer le test.
Il existe une version allongée du test :

     4. Ces femmes, avec un prénom et qui entretiennent la conversation, parlent-elle d'autre chose que des hommes durant au moins une minute?

Beaucoup de films qui réussissaient les trois premières étapes échouent cette quatrième.
Il existe aussi un Bechdel des couleurs :

     1. Deux personnages de couleur, qui ont aussi des noms...
     2. qui parlent ensemble...
     3. d’autre chose que d’un caucasien?

De grands films sur la libération des noirs ne passent même pas le test.

Pourquoi ce test?
Cette grille d'analyse n'explique en rien la profondeur d'un film. Il ne révèle pas ses qualités, ni rien de tout cela. Certains films, géniaux, et que j'adore et que je recommande, ne réussissent pas le test, alors qu'ils possèdent de grandes qualités cinématographiques. Le contraire demeure tout aussi vrai. Pensons aux films dits « de filles », qui, finalement, s'avèrent assez androcentrique ou remplis de clichés sexistes.
Toutefois, le test de Bechdel en révèle beaucoup sur la nature d'un film, et, en général, sur la nature hollywoodienne. Le but du test de Bechdel, qui, à la base, demeurait une blague féministe, est désormais pris au sérieux par les critiques et les fans de cinéma. Quel est ce but? De montrer le problème de représentation - l'immense problème - de Hollywood envers les femmes, et, de manière étendue, les gens de couleurs. Les scénaristes, les réalisateurs, les producteurs sont plus souvent qu'autrement, des hommes. Intéressés par le profit, ils pensent que de s'adresser à un public jeune, mâle et hétéro est gage de réussite. Peu importe les succès au box-office pour les films dont l'héroïne est une femme. Ces hommes ne veulent montrer que des films d'hommes fait par et pour des hommes, où les femmes ne servent que de simples décorations. Rares sont les films où une femme possède une nature à part entière, crédible et profonde. Le test de Behdel pointe donc du doigt ce problème aussi tenace aujourd'hui qu'autrefois, et qui fait que les rôles féminins à Hollywood ne sont pas plus nombreux de nos jours qu'il y a soixante ans!! (oui oui!).
Dans de nombreux films oscarisés, on y voit une représentation de l'homme blanc hétérosexuel, qui n'est non pas une personne (chers lecteurs, ne vous sentez pas visés), mais un concept significatif sur la soumission à des normes sociétales : le corps parfait n'est pas féminin, pas coloré, pas homosexuel, pas transgenre, pas handicapé, pas végétarien, pas militant, pas trop jeune, pas trop vieux, etc. Bref, le héros mâle, blanc et hétérosexuel ne défie aucune norme. Il est complètement conformé à la société, et refuse d'intégrer à son discours tout ce qui pourrait venir la perturber. Ce concept se retrouve dans de nombreux films populaires ou d'auteur, qui ne cherchent pas à renverser l'ordre établi. Le test de Bechdel devient donc subversif dans une société où on accepte couramment l'idée qu'un film qui n'ait qu'un seul personnage féminin pour vingt hommes, et tant pis si celle-ci n'a d'autre nom de « petite amie du héros ».

Et encore, le test de Bechdel ne pose que des questions de base. Il demande si une femme possède un nom, et non des motivations, une autonomie, des idées, des sentiments, de l'indépendance, une force certaine. Il demande si deux femmes discutent ensemble une seule fois dans le film, et non si ces conversations font progresser l'histoire ou s'y inscrivent comme éléments principaux. Il demande si ces femmes parlent d'un sujet en dehors des hommes, et non pas du sens de la vie, de culture, de société, de spiritualité, de science, de militantisme ou d'anecdotes qui les rendent vivantes. Le test de Bechdel ne fait qu'évaluer l'essentiel : la présence des femmes dans un film, et si celle-ci ne sert qu'à servir les personnages masculins.

Un excellent article du blogue Je suis féministe décrit le test en détail : Le test de Bechdel ou Hollywood déteste les Femmes.

Plusieurs vidéos de Feminist Frequency expliquent et se servent du test dans leur capsule.
(Il y a des sous-titre français pour ces trois vidéos).

Le test de Bechdel,
 

 le point de vue privilégié selon les genres,
 

et une analyse des films nominés aux Oscars en 2011
ainsi qu'une explication plus poussée des raisons d'être du test de Bechdel.

  *Ou plutôt devrais-je dire tous les films lorsque j'y penserai.

mardi 5 juin 2012

Un bébé pour Rosemary - d'Ira Levin

Levin, Ira. Un bébé pour Rosemary (Rosemary's baby), 1967.

Résumé
Un cinq pièces au Bradford en plein coeur de New York, quel bonheur pour un jeune couple! Rosemary et Guy n'en reviennent pas. Les jaloux disent que l'immeuble est maudit, marqué par la magie noire, que le sinistre Marcato y habita, que les sueurs Trench y pratiquèrent des sacrifices immondes...
Peu de temps après l'arrivée de Rosemary, une jeune fille se jette par la fenêtre.
Une étrange odeur règne dans les appartements. Quant aux voisins, leurs yeux sont bizarres, leurs prévenances suspectes. Guy lui-même change, et sa jeune femme, poursuivie par des rêves atroces, lutte en vain contre une terreur grandissante.
Que deviendra, dans ces conditions, le bébé de Rosemary...?

L'histoire de Rosemary
Un bébé pour Rosemary est un petit grand roman. Un roman fantastique et horrifique qui ne laisse pas indifférent. Immortalisé, à l'écran par Roman Polanski, et par les assassinats de Charles Manson, ce livre demeurera encore longtemps un classique de la littérature américaine.

Ce livre, c'est l'histoire d'une femme, Rosemary, qui emménage avec son mari dans l'immeuble de ses rêves, le Bradford, en faisant fi des rumeurs de lieu maudit qui l'entourent. La principale force de ce roman, c'est sa présentation du quotidien. Moult détails rendent réalistes la description de la vie de Rosemary. On suit son déménagement, son couple, ses tâches journalières au sein de l'appartement... le tout sans se douter de l'horreur qui va arriver. La force de ce roman, c'est d'instiller une lente paranoïa en faisant appel à l'imagination du lecteur grâce à de petites vétilles à première vue anodines. Le doute s'installe, mais la réponse se fait attendre, jusqu'à la résolution à la toute fin du roman. Il faut dire que l'on suit le point de vue de Rosemary, donc, ses pensées, ses inquiétudes et ses soupçons. On ignore si elle voit juste ou si elle s'imagine des choses. C'est ce point qui fait tout l'intérêt du roman. Rosemary tombe enceinte. Mais sa grossesse si difficile est telle la cause d'une fuite hors de la réalité? Sa grossesse est telle, au contraire, anormale? Y a-t-il conspiration dans l'immeuble autour de sa gravidité? Les voisins, un couple âgé, se montrent fort attentionnés envers elle et son mari. Cette gentillesse est-elle sincère? Rosemary ne sait plus où elle en est. Une chose demeure certaine : le ton ironique employé par Ira Levin permet un détachement du pathos qui empêche le récit de sombrer dans le kitsch. C'est avec brio que s'effectue le basculement de la réalité vers le fantastique. Un seul point peut par contre porter ombrage au récit. Mais comme il s'agit d'un spoiler, je conseille à ceux qui ne veulent pas lire de révélations de cesser la lecture de ce commentaire critique. En 1967, au moment de la publication d'Un bébé pour Rosemary, les thèmes du satanisme et de la sorcellerie était dans l'air du temps. De nos jours, ce thème peut rebuter plusieurs personnes tant il peut nous sembler cliché et irréaliste. Mais, comme on dit, cela ne fait que mieux refléter son époque. En se replongeant dans la mentalité américaine de la fin des années '60, on peut donc pleinement apprécier cette lecture à sa juste valeur. ;-)

En conclusion, Un bébé pour Rosemary est un grand classique de la littérature d'horreur états-unienne que je recommande vivement. Ce livre se laisse dévorer d'un seul coup. Idéal pour passer à travers des jours de pluie ou des nuits blanches (pour l'ambiance sombre) tout en passant un moment fort agréable avec une excellente histoire.

Extrait
Rosemary ne se souvenait des sinistres avertissement de Hutch que lorsqu'elle descendait au sous-sol pour faire la lessive, environ tous les quatre jours, et cela la mettait mal à l'aise. L'ascenseur de service était déjà peu rassurant (petit, sujet à des grincements et à des secousses inattendues, et sans liftier pour le manœuvrer), et le sous-sol lui-même était un endroit peu engageant, avec ses couloirs de brique au badigeon écaillé, au bout desquels on entendait s'éloigner des bruits de pas étouffés, où des portes qu'on ne voyait pas se refermaient brusquement avec un bruit sourd, et où de vieux réfrigérateurs au rebut tournaient leur porte contre le mur sous des ampoules électriques à l'éclat brutal derrière leurs muselières de grillage.
C'était là, se rappelait Rosemary, qu'on avait trouvé, il n'y avait pas si longtemps, le cadavre d'un nouveau né enveloppé dans un journal. L'enfant de qui était-ce? Et comment était-il mort? Qui l'avait découvert? La personne qui l'avait abandonné avait-elle été arrêtée, et condamnée?

Lu dans le cadre du challenge Un classique par mois

lundi 4 juin 2012

Les aurores montréales - de Monique Proulx

Monique Proulx, Les aurores montréales, Montréal : Boréal, 1996, Coll. Boréal compact85, 239 p.

Quatrième de couverture
Ce sont des nouvelles, textes courts et incisifs, tous soigneusement taillés dans l’insupportable bana­lité des drames et des lieux. Le livre se compare à une petite mosaïque de pierres multicolores. Chacune conserve sa couleur rare et la forme unique de sa froide minéralité. L’ensemble n’en constitue pas moins un vivant portrait de Montréal, une effrayan­te collection de spécimens humains, un tableau prodigieux de cacophonie et de tristesse nordique [...].

Il faut lire sans hésiter
Les Aurores montréales. Pour apprivoiser l’atrocité. Pour attiser la fureur. Pour savourer le bonheur d’une écriture souveraine aux portes de la barbarie. Enfin parce que ces nou­velles s’ajustent de manière à former un livre, ce qui n’est pas toujours évident quand on rassemble des ­histoires dont chacune soutient si facilement sa propre unité.
Réjean Beaudoin, Liberté



Écrit de mémoire
Avec ce billet, je devrais commencer à rattraper mon énorme retard dans mes chroniques. Yeah! Toutefois, je suis confrontée à un énorme désavantage. En effet, cette lecture remonte à plus de cinq mois! Donc, cet avis est écrit de mémoire, ce qui m'empêche d'approfondir le billet comme je le voudrais. Veuillez m'en pardonner d'avance.

Une ville cosmopolite
J'adore la plume de Monique Proulx. J'ai déjà chroniqué deux de ses romans par le passé (Le sexe des étoiles et Homme invisible à la fenêtre). Mais ce coup-ci, c'est d'un recueil de nouvelles dont je parlerai. Un recueil qui, hélas, n'est pas arrivé à satisfaire mes attentes peut-être trop élevées.
Disons que j'ai trouvé le recueil écrit selon deux pôles très précis : le très bon ou l'anecdotique. Il s'agit d'une chose que je remarque souvent dans les recueils de nouvelles québécois, sans que je puisse l'expliquer. Il y a ainsi d'excellentes histoires, comme Madame Bovary, le récit d'une petite bourgeoise de banlieue qui rêve de quitter le banal, mais qui se retrouve snober par un intellectuel qui ne voit en elle qu'un ersatz de Madame Bovary.
Ou encore Les aurores montréales, nouvelle qui donne son titre au livre, et qui raconte l'intransigeance d'un adolescent qui a maille à partir avec les anglophones et les immigrants.
Ou même Noir et blanc, une réflexion marquante dédiée à Dany Laferrière sur la place des noirs au Québec (somme toute assez positive selon Proulx).
Ou Français, Françaises, une nouvelle ironique sur un écrivain québécois qui rêve de Paris et d'un éditeur français qui rêve de Montréal!
J'ai aussi eu une surprise en lisant Les transports en commun, lorsque je me suis aperçue que je l'avais déjà lue à l'école secondaire! Une bonne histoire sur la télé-réalité et la notion d'héroïsme.

D'autres m'ont laissé mitigé, comme L'enfance de l'art, une nouvelle sur un camionneur qui se paie les services d'une prostituée de douze ans. Terrible et affreux! C'est peut-être, d'ailleurs, parce que cette nouvelle est trop dur à lire pour l'esprit qu'elle m'a laissée cette impression de déchirement.... Ce même déchirement ressenti en lisant Le passage, l'histoire d'une naïve adolescente qui couche pour obtenir son premier emploi. Trop difficile pour mon esprit sensible. ;)

Bien entendu, toutes ces nouvelles possèdent un point commun : Montréal. Une ville que je n'ai jamais aimée, ce qui biaise un peu mon point de vue, mais qui fascine Monique Proulx par son énergie et sa diversité culturelle, celles-ci devenant le centre même de tous les récits. Ajoutons à cela un brin de post-modernisme, et Les aurores montréales reflète à la perfection son époque, c'est-à-dire le milieu des années '90, là où le Québec est entré dans sa plus grande phase d'immobilisme et d'individualisme, une phase néo-libérale dont les Québécois ne sont toujours pas sortie (mais un vent nouveau souffle à l'horizon les amis!) Le recueil prend donc une dimension anthropologique, un peu à la manière des chansons de Jean Leloup! On le lit, et on comprend des choses sur cette époque où prime le matérialisme, le sexe sans amour, la désillusion référendaire, le multiculturel (chacun dans son coin et on ne se mélange pas) et la perte des repères pour cette société qui évolue au gré de la technologie, mais qui a perdu ses projets de société.

Malgré tout, le principal reproche que je peux formuler concernant ce livre, c'est que son auteure ne renouvelle pas la structure traditionnelle des nouvelles. Beaucoup suivent la ligne suivante : un début, une complication, de courtes péripéties et une fin surprenante (parfois moraliste, hélas!). Oh, quelques nouvelles sortent du lot, comme Léa et Paul, par exemple, qui transgresse la ligne temporelle droite, à la façon d'un souvenir. Mais le contenu est loin d'égalé l'originalité de la forme, en offrant une histoire indigeste d'un couple qui bat de l'aile à cause d'une histoire d'avortement et d'infidélités répétées. Moraliste, parfois, je vous dis.
Je suis donc déçue de cette œuvre dont j'attendais beaucoup, étant donné que Monique Proulx fait partie de mes romancières préférées. Dommage!
Le tout demeure toutefois intéressant à lire, une nouvelle à la fois. Ça coince juste lorsqu'on tente de lire le recueil en une fois....

mardi 29 mai 2012

Vacances estivales


Les vacances estivales se présentent à moi, et, avec elles, beaucoup de temps libre pour réaliser mes projets. Je vous annonce donc que je vais reprendre en main ce blogue presque laissé à l'abandon. Je vais même tenter de rattraper le retard dans mes billets. Imaginez vous donc que certains des livres que j'ai lu lors des vacances de la Noël n'ont toujours pas été chroniqué! Quelle honte! héhé
Je vais donc prendre le temps de prendre le temps, lire un tas de livres, et leur écrire des billets d'appréciation. Je vais aussi revisiter de nouveau vos blogues, et les commenter avec mon énergie retrouvée. ;)
Car cet été sera rempli de littérature et d'amour, ou ne sera pas, héhé! ;)

Sur ce, je vous souhaite un bel été de lecture sous le soleil radieux, vacances ou non! ;)
À bientôt!

PS : Une nouvelle mise en page pour un renouveau apprécié! Les couleurs sont désormais plus claires, pour correspondre à la magie de l'été! ;)

dimanche 18 mars 2012

« Le déserteur » de Boris Vian

Voici une des plus belles chansons de la langue française : Le déserteur, écrite par Boris Vian. Il s'agit d'une chanson hautement controversée à cause de ses propos pacifistes et antimilitaristes. Et c'est la raison exacte pour laquelle je l'aime tant!


Le déserteur

Monsieur le Président
Je vous fais une lettre
Que vous lirez peut-être
Si vous avez le temps
Je viens de recevoir
Mes papiers militaires
Pour partir à la guerre
Avant mercredi soir
Monsieur le Président
Je ne veux pas la faire
Je ne suis pas sur terre
Pour tuer des pauvres gens
C’est pas pour vous fâcher
Il faut que je vous dise
Ma décision est prise
Je m’en vais déserter

Depuis que je suis né
J’ai vu mourir mon père
J’ai vu partir mes frères
Et pleurer mes enfants
Ma mère a tant souffert
Elle est dedans sa tombe
Et se moque des bombes
Et se moque des vers
Quand j’étais prisonnier
On m’a volé ma femme
On m’a volé mon âme
Et tout mon cher passé
Demain de bon matin
Je fermerai ma porte
Au nez des années mortes
J’irai sur les chemins

Je mendierai ma vie
Sur les routes de France
De Bretagne en Provence
Et je dirai aux gens:
Refusez d’obéir
Refusez de la faire
N’allez pas à la guerre
Refusez de partir
S’il faut donner son sang
Allez donner le vôtre
Vous êtes bon apôtre
Monsieur le Président
Si vous me poursuivez
Prévenez vos gendarmes
Que je n’aurai pas d’armes
Et qu’ils pourront tirer