dimanche 12 juin 2011

Dans mon village, il y a belle Lurette... - de Fred Pellerin

PELLERIN, FRED. Dans mon village, il y a belle Lurette..., Planète Rebelle, coll. Paroles, 2001, 144p
Accompagnée d'un CD, d'une durée totale de 82:17 min.


Quatrième de couverture
C'est une suite de légendes mystérieuses, autant chargées d'amour que d'humour, qui sont venues à moi par la bouche de ma grand-mère. Plongeant dans le passé de mon village, ces histoires redonnent de la couleur aux blancs de mémoire, redonnent vie aux morts, et font reluire la belle Lurette, cette fille à la peau d'or dont on a tous entendu parler. Servies en petites parlures, les contes de mon aïeule se prennent comme des souvenirs trop beaux pour ne pas être vrais.




Je profite de mon trop-plein de temps libre pour relire certains de mes livres préférés. Il faut bien s'y replonger, dans ces bouquins achetés avec la promesse d'une possible relecture. Sinon, l'entretien de la bibliothèque n'aurait aucun sens, n'est-ce pas? ;-)

Donc, ces temps-ci, en plus de me relire les Harry Potter, je m'immerge aussi dans l'univers enchanteur de ce grand conteux, Fred Pellerin.

Contes de village
Dans mon village, il y a belle Lurette..., c'est un conte moderne revisitant la tradition orale canadienne-française.
Le village de St-Élie de Caxton y est à l'honneur dans la première partie du livre consacrée à une série de petites histoires, possédant toutes un lien entre elles. Fred s'inspire (librement) des anecdotes sur les ancêtres du village, que les aînés racontent aux plus jeunes dans l'espoir de transmettre un peu de culture légendaire.
On y retrouve ainsi les personnages habituels des contes de Fred :
- Brodain Tousseur, fabriquant de bières de bibittes
- Ésimésac Gélinas, l'homme le plus fort du monde de St-Élie de Caxton
- Ti-Bust, le forgeron
- Babine, le fou du village
- La Sauvagesse, sorcière et guérisseuse
- Le curé, gardien de la religion
- Dièse, le jeune amoureux
- La Belle Lurette, fille du forgeron à la beauté virginale

La seconde partie puise son inspiration dans la tradition orale. On y retrouve, revampés pour l'univers de Pellerin, les traces de trois contes populaires : Rose Latulipe, les korrigans et le bossu, et la Dame Blanche.

Enfin, pour accompagner le tout, un disque compact permet d'entendre Fred Pellerin qui raconte des versions différentes de ces histoires, dans la pure veine des contes oraux qui ne sont jamais fixés. Car les histoires présentées dans Belle Lurette sont des exercices de style avant tout (et quel style!), destinés à la diffusion publique des contes et légendes. Mais le CD possède le rôle de nous rappeler la forme première des contes et légendes : l'oralité. Un conte ne doit jamais sombrer dans la constance, mais doit se renouveler de générations en générations. Et pour cela, Fred Pellerin s'en sort mieux que Ti-Bust face aux lutins.

Cependant, le véritable charme de ce livre se cache dans les mots. Fred fait preuve d'un talent inusité pour jongler et s'amuser avec eux. Le livre est parsemé, non seulement de jeux de langage, mais aussi d'un vocabulaire archaïque et néologique. Il y a d'ailleurs un personnage qui se nomme Ti-Jack Prévert, dont l'annonce préfigure un calembour prochain. Bref, un vrai travail sur les mots et la forme, qui raviront les chercheurs de belles écritures.

En conclusion, un recueil de contes traînant du côté de la tradition orale, mais modernisé à cette ère de la mondialisation où les peuples plus petits cherchent à faire revivre leur folklore. Le vocabulaire reflète une grande originalité, et reflètent l'amour des mots de l'auteur.

Je ne regrette pas cette deuxième lecture. ;-)


Extrait
  Ma grand-mère disait que l'histoire s'est passée dans des mots de tous les jours.
  « Oui ! Des mots coupants, taillés à la hache. Aujourd'hui, ti-gars, l'Orifice de langue française vous coupe le verbe sous le pied de la lettre. Il vous enlève les mots de la bouche. C'est rendu qu'il faut peser vos gros mots à chaque fois que vous voulez parler. Quand c'est trop lourd, il vous invente des tournures tellement légères qu'elles ont l'air vidées. Ça va finir comme une langue morte d'étourdissements, à force de se la tourner dans la bouche. Comme le latin, le grec et les langues de cochon dans le vinaigre ! »
  Ma grand-mère disait, et c'était loin d'être son dernier mot, que ça se passait quand on parlait franc. Dans des mots dits qui ne s'écriront jamais parce qu'aucune grammaire n'arrivera jamais à les dompter.
p. 17

8 commentaires:

Allie a dit…

J'adore tout ce que fait Fred Pellerin. Je trouve qu'il a su redonner au conte ses lettres de noblesse tout en poussant un peuple à s'intéresser à son imaginaire collectif. Ce qu'il fait avec son coin de pays est magique, il réussit à en faire un conte vivant, grandeur nature!

Mascha a dit…

En ce qui concerne le coin de pays qui devient un conte vivant, j'ai mis dans le billet une pancarte « Traverse de lutins », qui provient réellement de son village. Une vraie pancarte de signalisation approuvée par le gouvernement en plus. ^^
C'est Fred Pellerin qui l'a faite lui-même. ;)
Sans parler du canular sur « l'arbre à paparmanes ». ^^

Merci du commentaire! ;-)

CarnetJulie a dit…

Que j'aime ce conteux !! un conteur né assurément qui manie les mots comme d'autre manie la hache pour en faire des mots coupants !!! J'ai presque tout écouté ces cd mais celui-ci reste mon préféré !! Quand je travaille les week-ends et que je voyage entre la ville et la campagne je voyage en sa compagnie sans jamais me lasser !! Quel plaisir !! J'aimerais tellement aller le voir en spectacle un jour et encore plus avoir le prévilège de l'entendre conter dans son village !! Merci à toi pour ce savoureux billet :) Je t'ajoute également dans mes favories MLLE !! moi qui est fasciné par les greniers !!

Mascha a dit…

C'est vrai qu'en voiture avec ses cds, le temps doit passer de manière féerique!
Cela vaut la peine de le voir en spectacle, les contes deviennent encore plus vivants ainsi. ;)

Merci de la visite et du commentaire, Julie. ;)
Et encore plus de m'avoir inscrite dans ta liste de favoris. \^^/

Malorie Leduc a dit…

C'est un ouvrage qui me tente beaucoup. J'ai découvert la littérature québécoise avec Michel Tremblay et depui, j'ai envie de lire d'autres auteurs québécois.
J'en profite pour vous dire que j'apprécie votre blog, découvert grâce à Suzan.

Mascha a dit…

Merci beaucoup, ça me fait vraiment plaisir. :)
C'est motivant pour la suite.

Quel livre de Tremblay as-tu lu?

Malorie Leduc a dit…

J'ai lu "Un ange cornu avec des ailes de tôle" et aussi "Bonbons assortis". Deux bijoux !

Mascha a dit…

Je ne les connais que de réputation, mais je te crois lorsque tu dis que ce sont des bijoux, surtout le premier... il date de l'époque où Michel Tremblay écrivaient encore de bonnes histoires. XD