jeudi 30 décembre 2010

The Big Lebowski - par Ethan et Joel Coen

Un film culte des frères Coen. À voir si on connaît pas... D'urgence!

Fiche technique
Réalisation et scénario: Joel Coen et Ethan Coen
Production : Ethan Coen
Année de sortie : 1998
Avec : Jeff Bridges, John Goodman, Julianne Moore, Steve Buscemi, David Huddleston, Tara Reid

Synopsis
Suite à un quiproquo, des hommes de main tabassent Lebowski, surnommé Le Duc (The Dude). Ce n’est qu’après avoir urinés sur le tapis de son appartement minable qu’ils réalisent qu’ils se sont trompés de Lebowski. Celui qu’ils cherchent est un millionnaire, dont l'épouse doit beaucoup d’argent à leur patron. Le Duc, insulté, décide d’aller voir l’autre Lebowski, et lui demande réparation pour son tapis. Mais M. Lebowski a un grave problème : sa femme a été enlevée, et il doit remettre une rançon d’un million de dollars aux ravisseurs. Il charge alors Le Duc de remettre la rançon, pensant que ses agresseurs sont les mêmes que ceux qui ont enlevé sa jeune épouse.



Le septième film des frères Coen explore le chaos et l’absurdité gâce à des personnages qui évoluent à travers eux, et qui, à défaut de trouver un sens à leur vie, en accepte la trivialité.

Le chaos se glisse partout dans ce film qui déstabilise toujours par sa succession de situations cocasses et inattendues, et ses personnages colorés. En effet, la société présentée dans The Big Lebowski est habitée par la confusion. Le récit n’est qu’une juxtaposition de lieux et de personnages qui n’ont rien en commun. Chaque rencontre est une ouverture vers un monde différent, mais fermé sur lui-même. En effet, chaque personnage a sa façon différente de se fermer à autrui et à ses problèmes. Ainsi, cette société se divise en plusieurs sous-castes que l’on pourrait réunir sous les deux castes principales des bien nantis et des laissés-pour-compte. Les bien nantis sont les artistes, les philosophes, les pornographes et les millionnaires. Les pauvres, eux, sont les vétérans et les religieux. Chacun semble figé dans sa caste, sauf Le Duc qui se promène d’un monde à l’autre, mais en se faisant toujours rappeler qu’il doit rester à sa place de laissé-pour-compte. Le policier ne croit-il pas le témoignage du riche pornographe, et ne tabasse-t-il pas Le Duc qui affirme que ce témoignage est faux, et ce, seulement sous prétexte qu’il est un chômeur? Il est intéressant de constater que la seule unité temporelle qui n’est pas figée, c’est l’arrière-fond télévisuel qui présente des images de la Guerre du Golfe. Cela a une symbolique bien précise : l’impérialisme américain qui s’impose dans le monde entier, et ce, jusqu’en Irak, mais qui est incapable de gérer les propres inégalités sociales qui existent dans son propre pays. Les castes ne se côtoient pas, ne se comprennent pas. Le manque absolu d’unité de cette société permet aux frères Coen de véhiculer leur message. Cette société chaotique n’est plus qu’apparence. Le pornographe paraît respectable, alors qu’il distribue sexe et drogue. Lebowski passe pour un millionnaire, alors que son argent appartient à sa fille. D’ailleurs, même le titre du film n’est qu’une apparence : Le Duc n’est pas le GRAND Lebowski. Ce monde qui voue un culte aux apparences est bel et bien la base conceptuelle du film. En effet, Le Duc, un anti-héros de la société états-unienne, reflète cette envie de matérialisme, de grand Rêve Américain, au début du film. Il considère en effet que le tapis souillé est un dommage plus important que les coups qu’il a reçus. Mais après avoir côtoyé toutes ces classes absurdes et fermées sur elles-mêmes, il ouvre les yeux. Peu importe s’il a perdu sa voiture et son tapis. À la fin du film, Le Duc reprend sa vie quotidienne, mais il a pris de la distance par rapport à ce Rêve Américain. C’est un symbole d’espoir, et ce, malgré les souffrances. Le héros accepte son sort, s’y résigne, et ne cherche plus à changer sa vie par la voie du Rêve matériel et vide. Ce film est le seul des frères Coen où la résignation à la fatalité prend une valeur positive. En effet, ne vaut-il pas mieux être soi-même, mais pauvre, que superficiel et manipulateur, mais riche?

Le chaos filmique apparaît aussi dans le mélange des genres, symbolisant la société hybride du récit par un film hybride : le narrateur est inspiré des westerns typiques ; le récit se base sur les codes du film noir ; et le ton est celui de la comédie burlesque. Ce mélange permet à l’absurde de faire son apparition dans le film. En effet, le narrateur ne prend-il pas conscience lui-même de l’absurdité de l’histoire vers la fin? Il conclut ainsi en affirmant qu’il a tout de même conté une belle histoire. C’est le seul sens qu’il trouve à tout cela : c’est une histoire qui valait la peine d’être racontée. L’univers très codé du film noir, combiné à la présence des personnages hippies, créent un effet de décalage et d’absurdité, permettant les quiproquos de l’intrigue. Le paraître l’emporte toujours sur l’être dans ce monde où l’individu n’est qu’un objet de consommation dont la valeur n’a d’égale que sa fortune, où sa valeur est déterminée par sa voiture, et non par ses actions.

Je voudrais conclure ce long billet (navrée!) en faisant observer que, les fameux « rêves » montrés dans des scènes oniriques et psychédéliques, qui révèlent les pensées inconscientes du Duc dans son sommeil, mettent aussi à bas le Rêve Américain et révèlent ainsi le propos du film. En effet, il n’y a qu’à penser au moment où Le Duc vole comme Superman, cette icone suprême de la virilité et du courage aux États-Unis. Le visage ridicule du Duc à ce moment montre qu’il s’agit d’une parodie qui se moque de cet idéal.

Il n'est pas surprenant que The Big Lebowski soit un film culte, et est même à la base d'une « religion », le dudéisme.

2 commentaires:

tarmine a dit…

j'avais adoré ce film ... la scène de l'enterrement, sur la côte...émouvant et hilarant...

Mascha a dit…

Moi aussi j'avais adoré cette scène, où le ton burlesque déstabilise, faisant sourire au beau milieu d'un drame.