lundi 12 septembre 2011

Tous les noms - de José Saramago

Quatrième de couverture
Monsieur José, employé modèle de l'État civil, a pour seul passe-temps sa collection d'archives concernant les célébrités. Un jour, il tombe par erreur sur la fiche d'une inconnue. Et sa vie bascule. Bientôt obsédé par cette femme, il décide de la chercher et de reconstituer son passé.
Enquête policière et conte philosophique, Tous les noms est l'un des romans les plus profonds et les plus émouvants de ce grand écrivain.

« Pourquoi n'arrêtez-vous pas de regarder la fiche de cette femme inconnue ? »

Saramago, José. - Tous les noms. - Traduit du portugais par Geneviève Leibrich. - Paris : Éditions du Seuil, 2001. - Collection Le point sur. 270 p. - ISBN 9782020484930 (Todos os nomes pour le titre original, publié en 1997)

Mon commentaire analytique
Lu l'an passé, j'en garde un souvenir fort. Un des meilleurs romans que j'ai pu lire dans ma vie, écrit par la plume expérimentatrice et expérimentée du prix Nobel de littérature, José Saramago (1922 - 2010).

1. Et si Kafka s'appelait José?
Tous les noms décrit un (notre) monde où les systèmes définissent l'identité. Système bureaucratique kafkaïen, système scolaire, système thanatologique, système du droit, etc. Le personnage principal, modestement nommé José, un nom très commun au Portugal, a une vie régie par ces systèmes à la fois sociaux et gouvernementaux qui ont chacun leur propre définition de l’identité. De plus, ceux-ci ont des modes de fonctionnement floues et sans frontière strictement définie (à l’image de la notion de l'identité). Dans ce roman, on voit donc le personnage passer d’un système à l’autre assez aisément puisque tous ces systèmes sont juxtaposés et complémentaires, et qu’ils s’influencent l’un l’autre tout en restant équivalents. En faisant cela, il acquiert un peu plus de son identité psychologique et sociale au fil de sa compréhension de ces différents systèmes.

2. J'agis, donc je suis.
Le personnage de ce roman est sans biographie. Sa psychologie est plus que facile à saisir, et son nom n’a aucune importance. La seule chose qui compte dans ce personnage, c’est son apparence physique qui semble suivre le gré de ses changements psychologiques. Les moments où il se dévêt correspondent aux mêmes moments où il se dépouille de ses attributs professionnels. Par exemple, il porte un vieux pyjama en même temps qu'il cache des documents sous son matelas. Le manque de professionnalisme (cacher des informations à son patron) se reflète par le fait qu'il ne porte pas ses habits de travail. C'est donc un personnage où la personnalité transparait plus dans le paraître que dans l’être. Toutefois, l’être prendra le dessus au fur et à mesure que l’histoire avancera. Il « s’incarnera » dans la forge de ses expériences. Ainsi, la quête romanesque du personnage n’est pas du tout une recherche d'informations sur la vie de la femme inconnue (ce qu’elle semble être au premier abord). Ce n’est qu’un prétexte qui anime le personnage. Sa véritable quête, qui passe par des expériences, en est une de sens. Il fait donc cette recherche afin de vivre et d’accumuler ces expériences significatives et constructrices. Il se construit un destin. Cela lui permet de se connaître mieux lui-même, ce qui change naturellement bien des choses dans sa vie. Au fond, il peut devenir lui-même grâce à une succession d’action, comme si agir équivalait à exister, à être. Les expériences qu’il vit le conduisent tout d'abord à se souvenir, comme si l'action éveillait des souvenirs enfouis, comme si la mémoire de l’enfance devait s'acquérir par un geste. La mémoire, après tout, est ce qui construit la personnalité et lui donne un caractère précis. Ces souvenirs, il les écrit dans un cahier. Il écrit donc sa quête dans l’espoir d’en révéler le sens. Parce qu’écrire donne forme et sens aux événements. Bref, au début du roman, le paraître est le plus important chez ce personnage. Toutefois, dans sa quête de sens qui s’acquiert par les expériences et la mémoire des événements passés, ce qui montre bien qu’il se forge maintenant une identité par lui-même et non grâce aux systèmes, l’être prendra peu à peu le dessus. Ici, l’identité se forge bel et bien par les expériences.


J'aurais encore beaucoup à dire et à analyser sur ce roman d'une richesse incroyable. Mais je vous laisse le découvrir par vous-même. ;)

6 commentaires:

Loo a dit…

Ca m'a l'air quelque chose ce livre. A lire ta critique il m'a l'air effectivement très riche.

Mascha a dit…

Il semble simple au premier abord, mais il se révèle être d'une grande richesse littéraire et symbolique. L'écriture, le style, change constamment au long du livre, tout comme le protagoniste. Essoufflés, nous poursuivons pourtant notre lecture sans jamais manquer un mot. Car le rythme est parfait. Et une fois terminé, la quête de ce personnage minuscule nous apparait dans toute sa grandeur. :P
Oui, je recommande vivement ce livre, un grand roman. héhé :P

Merci de ta visite et de ton commentaire!! :D

Biblio a dit…

Celui là je le note, en plus j'aime bien Kafka.

Mascha a dit…

Tu devrais être ravi, alors. :)
Saramago est toutefois plus positif que Kafka dans son oeuvre entière. ;)

DF a dit…

On me l'a chaudement conseillé il y a longtemps, il prend la poussière sur ma PAL. Un peu d'appréhension avant de l'ouvrir, pour ma part.

Mascha a dit…

Il n'y a aucune raison d'avoir de l'appréhension, fais-moi confiance. L'écriture simple au premier abord est surélevée par une ponctuation de maître et des symboles sociaux et mythologiques cachés un peu partout, pour former ce grand tout intéressant, profond et amusant tout à la fois. ;)
Bref, je te le recommande vivement. De toute façon, avec Saramago, il y a peu de chances de se tromper. héhé ;)