jeudi 21 juillet 2011

Le berceau du chat - de Kurt Vonnegut


Quatrième de couverture
Jonas écrit une biographie du Dr Hoenikker, un des pères de la bombe atomique et du « Glace-9 », le germe qui congèle l''eau. Il retrouve les enfants du savant dans la République bananière de San Lorenzo, où le gourou Bokonon prône le mensonge comme source du bonheur. Culture et contre-culture se croisent en ces temps de guerre froide où chacun redoute une apocalypse imminente.
« La science est une magie qui réussit ».
 
VONNEGUT, Kurt. Le berceau du chat (Cat's Cradle), trad. de l'anglais par Jacques B. Hess, Points, 2011 (1963), 237 p

Commentaire de lecture
« Euh... qu'elle fin bizarre! ».
- Première pensée en refermant le livre.
« Quelle lecture troublante... ».
- Seconde pensée, plus angoissante, une fois le choc passé.

Car, troublante, oui, elle l'est, cette histoire qui oscille entre l'absurde et la science-fiction, étalant sur ses pages l'idiotie humaine. L'idiotie même. 

John « Jonas », journaliste, décide de plonger dans l'écriture d'un roman sur la bombe atomique. Naïf, il contacte deux des trois enfants du père de la bombe atomique, et leur demande des souvenirs d'enfants sur cet événement terrible de l'humanité. Sans se douter de rien, il continue sa route en retrouvant aussi d'anciens scientifiques qui travaillaient sur l'invention de la bombe. Il note avec candeur tous ces témoignages, mais ne voit pas son destin se sceller parmi les détails recueillis. Car le Dr Hoenikker n'a pas qu'inventé la plus puissante bombe du monde : il a aussi créé la glace-9, petits cristaux pouvant transformer toute l'eau de la Terre en glace incassable. Et détruire ainsi le monde. Ne se doutant de rien, John s'envole pour San Lorenzo , une république de bananes où existe une religion réformatrice, le bokononisme. Il désire trouver le troisième enfant Hoenikker, mais déjà son projet de roman s'étiole.

Un berceau du chat
Le berceau du chat est une uchronie. L'Histoire du monde telle qu'on la connaît n'existe pas. Ou plutôt, elle est modifiée. Dans le but de créer des réflexions. Sans oublier le divertissement que procure ce type de science-fiction. Le narrateur, John « Jonas », raconte les événements après qu'ils se soient produits (sauf la fin), donc avec un certain recul. Le tout donne une écriture peu conventionnelle, très post-moderne dans son éclatement structurel : le roman regorge d'extraits du livre sacré de Bokonon, de correspondances épistolaires, de poèmes, de phrase en dialecte de San-Lorenzo... et pourtant, le récit trouve le moyen de demeurer linéaire, cohérent... et intéressant.

En fait, la principale réflexion du roman se joue dans toutes ces paroles de Bokonon, où les valeurs de la société sont détournées au profit d'un cynisme lucide sur la connerie humaine.
Et je me rappelai le Quatorzième Livre de Bokonon, que j'avais lu intégralement la veille. Le Quatorzième Livre est intitulé « Existe-t-il, pour un Homme Réfléchi, une Seule Raison d'Espérer en l'Humanité sur Terre, Compte Tenu de l'Expérience du Dernier Million d'Années? »
Le Quatorzième Livre n'est pas long à lire. Il consiste en un seul mot : « Non. »
- p. 198
Le bokononisme est une religion basée sur le fait que tout est mensonge, même et surtout cette religion. Dans cette perspective, toute forme d'utopie est impossible. C'est aussi le sens du titre : le berceau du chat, un jeu de cordes pour les enfants, montre que rien n'a de sens. Et surtout pas les actions humaines. Il n'y a que des illusions, que l'on enseigne aux enfants sans cesse, générations après générations, grâce à la religion, grâce à l'éthique, grâce à la science...
- C'est un des plus vieux jeux du monde. Même les Eskimos le connaissent.
- Vous m'en direz tant.
- Depuis peut-être cent mille ans ou plus, les grandes personnes agitent des ficelles entremêlées au nez de leurs enfants.
- Hum.
Newt demeurait blotti dans son fauteuil. Il avança ses mains maculées de peinture comme s'il tendait entre elles un berceau de ficelle. « Pas étonnant que les gosses deviennent fous en grandissant. Un berceau de chat n'est rien d'autre qu'un faisceau d'X entre les mains de quelqu'un, et les gosses regardent tous ces X, ils les regardent, ils les regardent...
- Et?
- Et il n' a pas plus de chat que de berceau ».
p. 136
Le berceau du chat est un formidable roman de science-fiction, à la fois captivant et posé, qui jette un regard ironique sur le monde dans un récit où la science-fiction apocalyptique chevauche l'absurde existentialiste.

2 commentaires:

Biblio a dit…

J'ai suivi ton avis et je viens de le recevoir. Je te dirai si je partage ton avis dès que je l'aurais lu.

Mascha a dit…

Bonne lecture alors! ;)