vendredi 15 juillet 2011

La cantatrice chauve - d'Eugène Ionesco

J'ai envie de vous parler d'une pièce de théâtre dans mon top 10 de mes livres préférés, rien de moins : La cantatrice chauve (1950) d'Eugène Ionesco.

Résumé
MME SMITH : Tiens, il est neuf heures. Nous avons mangé de la soupe, du poisson, des pommes de terre au lard, de la salade anglaise. Les enfants ont bu de l'eau anglaise. Nous avons bien mangé, ce soir. C'est parce que nous habitons dans les environs de Londres et que notre nom est Smith...

Le plafond est en haut, le plancher est en bas

La cantatrice chauve est une tragédie moderne... une tragédie qui use du rire pour mieux montrer le vide de l’existence. Ionesco construit sa tragédie autour des mots afin d'en montrer leur non-sens. Les dialogues insensés aujourd'hui si célèbres furent inspirés par les conversations mondaines et un manuel d'anglais Assimil. Car, quoi de plus insignifiant que des gens qui parlent pour ne rien dire? Que le machinisme des conventions sociales? Que la rhétorique des cours de langues avec leurs phrases toutes faites? En même temps, ce vide absolu fait rire... rire pour en oublier l'absurdité de la vie qu'il reflète. Car, comme Ionesco le dit lui-même, « jouer avec les mots, faire n'importe quoi avec les mots, c'est une délivrance. Donner aux mots une liberté entière, faites leur dire n'importe quoi, sans intention, il en sortira toujours quelque chose. Il y aura toujours des mots liés entre eux qui, par là, signifieront...» La signification ici, c'est l'angoisse de vivre face au néant de l'existence que l'on tente d'oublier par la symbolique que l'on accorde aux mots. Une symbolique déconstruite par Ionesco afin de dire la vérité oubliée.

« Prenez un cercle, caressez-le, il deviendra vicieux! »

Face à un tel texte, l'illusion même de réalité devient impossible. En effet, la distorsion entre le signifiant et le signifié empêche toute interprétation du réel. Prenons la notion de temps en exemple : l'horloge farfelue n'indique jamais la bonne heure, et la fin de la pièce reprend le début, dans un caractère cyclique infini. Il en va de même du décor, si poussé qu'il en devient parodique :
Intérieur bourgeois anglais, avec des fauteuils anglais. Soirée anglaise. M. Smith, Anglais, dans son fauteuil et ses pantoufles anglais, fume sa pipe anglaise et lit un journal anglais, près d'un feu anglais. Il a des lunettes anglaises, une petite moustache grise, anglaise. A côté de lui, dans un autre fauteuil anglais, Mme Smith, Anglaise, raccommode des chaussettes anglaises. Un long moment de silence anglais. La pendule anglaise frappe dix-sept coups anglais.
Les personnages, quant à eux, porte en eux l’idéologie de la pièce : ils sont aussi vides que les mots qu’ils utilisent, aussi vrais et banals que la plupart des gens. Iosnesco a d’ailleurs qualifié ses personnages de « fantoches ». Cependant, ces fantoches ne sont pas comme les marionnettes de Jarry (Ubu Roi), des « états brutes » d’émotions, puisqu’ils sont victimes de leur propre vide intérieur, de leurs angoisses temporelles. Ces personnages n’ont pas d’identité, sont interchangeables. Ils ne vivent rien car ils ne font rien. Tous parlent pour éviter l’angoisse d’un silence trop pesant, chaque ange qui passe devenant éclipsé d'un coup de langue.

« J'aime mieux un oiseau dans un champ qu'une chaussette dans une brouette ».

Le résultat est d'une drôlerie incroyable, car, dans notre naïveté, nous ne voyons pas les gouttes de sueurs froides laissées par l'auteur sur le papier, dans cette pièce absurde où il n'y a même pas de cantatrice chauve parmi les personnages.

« - À propos, et la cantatrice chauve ?
- Elle se coiffe toujours de la même façon »

2 commentaires:

Liphéo a dit…

Ah ! J'ai lu un livre de Ionesco, Rhinocéros, et j'avais bien aimé son style.
En tout cas cet autre ouvrage me paraît prometteur, je le lirais surement. :)

Mascha a dit…

J'ai aussi Rhinocéros, que j'avais adoré.
Mais La cantatrice chauve demeure mon préféré. ;)