mercredi 6 avril 2011

Blow-Up - par Michelangelo Antonioni

Titre : Blow-Up 
Nationalité : Britanno-italo-américain
Réalisateur : Michelangelo Antonioni 
Scénario : Michelangelo Antonioni, Tonino Guerra,
Date : 1966
Avec : David Hemmings, Vanessa Redgrave, Sarah Miles.
La bande-annonce

Synopsis
À l'époque du Swinging London, Thomas, photographe de mode machiste, prend en photo un couple d'amoureux dans un parc. La femme, Jane, s'aperçoit de sa présence, et lui réclame immédiatement la pellicule. Thomas refuse, et rentre chez lui pour développer les clichés. Mais sur les images, plus rien ne semble être comme au parc, où tout paraissait paisible et beau. Des choses qu'il n'avait pas vues alors se manifestent sur les photos.

Chaos et maîtrise
Un film maîtrisé par une main des plus habiles montrant pourtant le récit d'un homme désemparé, seul face au brouillon de l'existence, et dont l'illusion quotidienne est remise en question par un processus douloureux de prise de conscience. Un paradoxe que j'aime bien. Car Blow-Up, un drame psychologique, offre une histoire imagée, de peu de mots, où l'action devient patience, où le drame est intime et intérieur. Pas d'explication de nommée. Antonioni respecte son public. Il laisse des indices éparses tout au long de son récit psychologique. Aux gens de les voir. Mais l'image, ici, est trompeuse.

Illusion et réalités
Blow-up est un film sur l'illusion et la subjectivité des choses. Thomas (Hemmings) est un photographe qui, à l'image de St-Thomas, refuse de croire sans avoir vu. Thomas n'admet que le monde vu par le truchement de son appareil photo. Le doute ne l'assaille pas, car ses photographies le rassurent sur sa réalité. Les démunis souffrent et les mannequins de mode sont beaux. Il la voit ainsi, la réalité. Mais les clichés pris dans le parc lui font peu à peu comprendre que le réel est subjectif. Chacun possède sa vision du monde. Photographier ne fait que créer un sens, et non une réalité. Les signes changent selon la valeur qu'on leur accorde. Thomas doit l'apprendre pour bien progresser dans sa vocation artistique. Après tout, plus on agrandit une image, plus elle devient floue. La certitude de la perception de la vérité se perd alors dans le grain de l'image, et on se met à voir dans les agrégats des choses n'existant peut-être pas.



Et il n'y a pas que l'image qui s'amuse à tromper. Le son aussi se joue de nos sens. Blow-Up offre dans sa scène finale une magnifique pantomime de tennis, dans laquelle Thomas comprend alors la subjectivité de la réalité à l'instant même où il lance une balle invisible... et où des sons imaginaires de tennis retentissent à l'écran. Et si le son et la vue ne sont pas fiables, c'est peut-être parce que la réalité ne se perçoit jamais à l'identique selon les gens. Et plus d'une personne sont nécessaires pour perçevoir quelque chose de tangible. Du moins, la perfection cinématographique de ce film, loin du chaos et du hasard, semble le supposer. Quoique l'ironie veut que l'herbe si verte de Blow-Up soit en réalité couverte de peinture pour donner une impression de réel...

Il en va de même pour les objets. Une perception sensorielle ne possède de signification que selon un contexte précis, et les choses matérielles n'échappent pas non plus à cette loi. Un aileron d'avion en bois prend tout son sens dans une boutique d'antiquités. On se bat pour un manche de guitare dans un concert rock uniquement. Sinon ce sont des déchets, des indésirables à la logique organisationnelle du quotidien. Et l'appareil photo, que devient-il sans le photographe? Et les photographies, que veulent-elle dire lorsqu'on se rend compte que le contexte initial était une illusion? Jusqu'où peut-on les agrandir avant qu'elles ne deviennent un tableau non-figuratif?


Thomas progresse dans son art. Il passe d'un homme vivant sa sexualité par le sens de la vue uniquement (il regarde une femme nue sans jamais ressentir le besoin de la toucher) à un homme pouvant voir et entendre une partie de tennis mimée sans le recours de son appareil. Car la lentille capture l'extérieur, n'évoque l'intériorité que par des interprétations, sans jamais l'expliquer tout à fait. Mais l'homme derrière l'appareil, peut, lui, regarder le monde par ses propres yeux, tout en ayant conscience que son regard n'est qu'un parmi tant d'autres. Après tout, « blow-up » signifie « agrandissement photo », mais aussi « se révéler ».
  

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Tres bonne analyse. Merci