lundi 9 juillet 2012

Moïse : l'affaire Roch Thériault - par Mario Azzopardi

Fiche technique
Savage Messiah / Moise : l'affaire Roch Theriault
Réalisé par Mario Azzopardi
Nationalité : québécoise 
Date de sortie : 2002
Société de production : Christal Films
Avec Polly Walker, Luc Picard,  Isabelle Blais, Isabelle Cyr, Julie LaRochelle et Pascale Montpetit.

Synopsis (source)
Inspiré d'un fait vécu. Roch Thériault (Luc Picard), le chef d'une étrange commune, vivait avec ses 8 femmes et ses 26 enfants. Une travailleuse sociale (Polly Walker) devine, malgré les apparences trompeuses, le désespoir des femmes de Thériault lors d'une visite de la commune. Malgré l'indifférence de ses collègues de travail, elle entreprend une enquête qui mène à de terribles découvertes; un enfant mort, d'étranges rituels ainsi que de graves cas de violence physique et psychologique. Se faisant, elle met sa carrière et sa vie en jeu. Elle est toutefois prête à surmonter tous les obstacles pour libérer de l'emprise de Thériault les membres de cette étrange communauté. Elle doit également affronter Thériault qui manipule avec une étonnante facilité les gens et le système, y compris les enquêteurs nommés par le tribunal.
  
Mon appréciation
Roch Thériault, dit Moïse, n'est plus à présenter. Un des plus dangereux criminels au Canada (en tête de liste avec les tueurs en série!), fondateur d'une des pires sectes de l'Amérique du Nord, son histoire va longtemps continuer de faire jaser. Comme disait l'une de mes anciennes prof de philo : « pour connaître les critères d'une secte, il suffit de regarder celle de Thériault : elle les a tous à sa liste, atrocités comprises ». Vous m'excuserez donc si ce billet révèle quelque peu le film, mais cette histoire est si connue que je ne crois pas vendre beaucoup d'éléments de l'intrigue.

Moïse : l'affaire Roch Thériault, c'est donc la troublante histoire de la secte fondée par Roch Thériault, la prétendue réincarnation de Moïse, après son établissement en Ontario. La partie concernant le Québec n'est donc pas présente dans le film, qui se concentre sur les dernières années de la communauté.

Le drame
Lentement, mais sûrement, le film retrace les atrocités commises par Thériault sur ses huit concubines et leur ribambelle d'enfants dans sa communauté autarcique : violences psychologiques et physiques, faim, travail forcé, humiliations, abus sexuels, incestes, tortures, esclavage, amputations, meurtre... Lentement, la tension monte et l'horreur se dévoile au grand jour, sous nos yeux. Et lorsqu'on respire enfin, devant la fin d'une abomination, c'est pour mieux retenir son souffle devant la révélation d'une nouvelle. Je crois que la grande force de ce film, c'est cette capacité à produire une horreur si crédible, perpétrée au nom de la vision égocentrique de l'amour du Messie sauvage. Impossible de fermer les yeux en se disant que ce n'est que fiction, car l'histoire est vraie. Et plus que troublante.

Le Messie sauvage
Le meilleur point du film, c'est cette magistrale interprétation de Luc Picard dans la peau de Rock, Moïse, Thériault. Intense et cruel à souhait. Difficile de croire qu'un acteur réputé si gentil se cache derrière ce personnage mauvais et manipulateur. Avec ce genre de rôle, le risque, c'est de surjouer. Faire de gros yeux méchants-méchants à tout bout de champ pour dire que le monsieur est méchant-méchant. Or, l'interprétation de Picard est juste et maîtrisé. Les regards de mépris lancés par celui que l'on surnomme parfois le Charles Manson canadien sont crédibles et lancés au bon moment et à la bonne personne. En fait, Luc Picard réussit à dégager un véritable sentiment de violence et de folie qui crée une peur réelle. Un acteur prodigieux et un grand rôle.

La réalisation
Par contre, un bémol constant me dérange dans ce film : sa réalisation. En effet, celle-ci vieillit mal. Je pense que le réalisateur n'a pas voulu dépasser le vulgaire stade « série télé-fait vécu ». Du coup, le film n'est qu'une série de plans fixes, avec très peu de mouvements de caméra, d'insertions d'images douteuses et même de couleurs fades. Son petit budget s'adaptait pourtant très bien à ce style d'histoire. Dommage, car ce film avait un bon petit potentiel indépendant. Du coup, c'est vraiment pour le scénario qu'il faut regarder Moïse : l'affaire Roch Theriault, et non pour la technique.

Le test de bechdel
J'ai soumis ce film au test de bechdel. Voici les résultats :

Y a-t-il au moins deux personnages féminins dans le film, avec un nom? : Oui, et une douzaine de femmes à part de cela!
Qui parlent l'une avec l'autre? : Oui, et ce, à plusieurs reprises.
Au sujet d’autre chose qu’un homme ? : C'est là que le bât blesse. La majorité des conversations tournent soit autour de leurs anciennes aventures de couchette, soit du personnage de Moïse. Ces femmes peuvent parler durant 5 secondes de leurs émotions propres, mais l'associent aussitôt à Roch Thériault ou à l'ex mari de la travailleuse sociale.
Ces femmes, avec un prénom et qui entretiennent la conversation, parlent-elle d'autre chose que des hommes durant au moins une minute? : Donc, elle parle d'autre chose que d'un homme, mais pas durant plus de 10 secondes dans tout le film. Le film échoue donc le test, malgré sa distribution presque entièrement féminine. Et c'est dommage. Le film aurait eu plus de profondeur si les personnages féminins auraient hérités d'une personnalité propre.
 
En conclusion, Moïse : l'affaire Roch Thériault, un film poignant sur une tragédie humaine qui aura bouleversé le Canada.

Un extrait du film
http://www.addik.tv/cinema/moiselaffairerochtheriault/

2 commentaires:

Allie a dit…

Je n'ai encore jamais vu le film , Luc Picard doit être magistral dans la peau de Thériault, mais le sujet est dur, je ne pense pas que je pourrais voir ça à l'écran.

Pour le test de Bechdel, surtout dans ce cas-ci, je me dis que ça devait être difficile de parler d'autre chose que d'hommes, surtout de cet homme-là, vu le genre de vie qu'elles menaient...

Mascha a dit…

Merci Allie pour ton commentaire.

Réussir le test de Bechdel n'aurait pas été difficile dans ce film, j'en suis convaincue. Au lieu de réunir des femmes dans un bar et de les faire parler de leur ancienne conquête, elles auraient pu parler de n'importe quel autre sujet. Les concubines de Moïse auraient pu parler de leur famille, laissée au Québec, ce qui aurait apporté un peu plus de profondeur.
Faire parler deux femmes durant plus d'une minute d'autre chose que d'un homme n'est pas une chose difficile. ;)