dimanche 5 février 2012

Des souris et des hommes - de John Steinbeck

Des souris et des hommes (Of Mice and Men). - John Steinbeck. - Traduit de l'américain par M.-E. Coindreau. - Préface de John Kessel. - Gallimard. - Coll. Folie. - 2011 (1937). - ISBN 978-2-07-036037-6

Quatrième de couverture
Lennie serra les doigts, se cramponna aux cheveux.
- Lâche-moi, cria-t-elle. Mais lâche-moi donc. Lennie était affolé. Son visage se contractait. Elle se mit à hurler et, de l’autre main, il lui couvrit la bouche et le nez. – Non, j’vous en prie, supplia-t-il. Oh, j’vous en prie, ne faites pas ça. George se fâcherait. Elle se débattait vigoureusement sous ses mains… – Oh, je vous en prie, ne faites pas ça, supplia-t-il. George va dire que j’ai encore fait quelque chose de mal.
Il m’laissera pas soigner les lapins.

Prix Nobel 1962.



Mon appréciation
Voilà un classique que je rêvais de lire depuis des lustres. Chose faite et appréciée! J'ai pris le temps de le bouquiner, petit à petit, un chapitre à la fois, afin de bien saisir l'essence même de l’œuvre et de mieux apprécier son histoire.

Une amitié masculine
Des souris et des hommes, c'est un récit fou au cœur de la campagne américaine. Le récit d'une amitié incomprise, plus forte que tout. Une amitié masculine. Avez-vous réalisé jusqu'à quel point les œuvres montrant les puissantes relations amicales entre hommes sont rares? Tant dans la littérature que dans le cinéma. Comme si l'amitié entre mâles était un sujet tabou. Comme si on avait pas le droit de dire que deux hommes peuvent ressentir l'un pour l'autre un attachement sincère et infini, sans que cela soit de l'amour physique. On montre souvent des réalisations mettant en scène des amis dans des relations superficielles, rarement des relations qui vont au-delà des modèles patriarcaux d'hommes sans émotion, qui ne cèdent pas à la « sensiblerie féminine » de l'amitié, qui ne fréquentent les autres que pour la bière et les barbecues, comme un « vrai mâle » se doit de le faire... Heureusement, certain(e)s osent représenter des relations plus proches de la réalité avec des histoires d'amitiés si solides qu'un ouragan ne pourrait qu'à peine les ébranler. Je pense à Parle avec elle de Pedro Almodòvar. Et à Des souris et des hommes. Mais j'ai du mal à en trouver d'autres, sachant aussi que je n'ai pas tout vu et tout lu. En connaissez-vous des œuvres où une profonde amitié masculine est au cœur même de l'histoire? Il ne s'agit pas d'une question rhétorique. J'ai envie de découvrir des livres et des films sur ce sujet, ma foi, fort passionnant.


Pour en revenir à l’œuvre, Des souris et des hommes, c'est une amitié qui va au-delà de la vie et de la mort. George est ami avec Lennie. Rien de surprenant, si ce n'est que ce dernier souffre d'un retard mental flagrant. À cette époque, on enfermait les gens comme Lennie. On les attachait à des lits jusqu'à la fin de leurs jours. George à pris son copain en charge. Ils parcourent les routes ensemble, et trouvent du travail, jusqu'à ce que Lennie fasse une nouvelle gaffe qui les oblige tous les deux à s'enfuir. C'est leur lot quotidien, qui se répète sans cesse. George prétend qu'il ne fait qu'endurer Lennie, et qu'un jour, il en aura marre. Pourtant, on sent derrière son armure un amour sincère pour son compagnon de route.... Un homme ne peut donc jamais parler ouvertement de son amitié? Il semble que non, du moins, pas à cette époque, pas dans les États-Unis de 1937, où la seule façon pour un homme, semble-t-il, d'exprimer son amitié, est de le démontrer sans le dire. George prend soin de son ami. Il le gronde, mais ne le frappe jamais. Il est déçu lorsque son ami écrase des souris entre ses mains, mais il a aussi conscience du fait que Lennie ne connaît pas sa force, et n'est, en réalité, qu'un enfant dans un corps d'homme exceptionnellement fort. Il aime toucher les choses douces, comme la fourrures des souris. Ce n'est pas de sa faute s'il appuie trop fort. George empli l'esprit de Lennie de rêve, pour le consoler et se donner l'illusion que leur amitié est socialement possible. A force, lui-même finit par se convaincre que leur rêve de posséder une ferme et des lapins à caresser est possible. Et même tout prêt. Un dernier mois de travail, et il pourra toucher le rêve. Si Lennie ne fait pas de nouvelles gaffes...

Mais dans ce monde, l'on traite les hommes comme Lennie de la même manière que les animaux. On ne leur pardonne pas la moindre erreur. On ne les garde que s'ils sont utiles. Les hommes faibles deviennent des souris dans les mains de la société. Au moindre moment, celle-ci peut l'écrabouiller avec sa pression trop forte. Pour survivre, il faut se faire discret, et ne jamais rien revendiquer qui soit au-dessus de sa condition. À société spéciste, société raciste, sexiste et élitiste. Il faut rester à sa place pour ne pas s'attirer la foudre de son entourage critique. Le problème, c'est que Lennie est une âme pure, qui ne comprend pas ces principes de discrimination. Il admire sans condition George, et est prêt à tout pour ne pas lui déplaire. Ce qui met ce dernier dans l'embarras, lui donnant sans le vouloir la responsabilité de la protection de son ami. Une responsabilité qui devient un fardeau au fil du temps, mais dont il ne peut se défaire, trop attacher à son compagnon de route. L'amitié est à la fois une chose précieuse et terrible.

Un roman au-delà des préjugés. Un roman d'amitié, mais aussi de rêves et de désillusions. Un roman qu'il faut lire au moins une fois dans sa vie.

Lu dans le cadre du challenge Un classique par mois

6 commentaires:

Suzanne a dit…

Un inoubliable selon moi. À ;ire et relire. Merci pour ce très bon commentaire.

Matthieu Legault a dit…

un petit classique :)

Mascha a dit…

Merci à vous deux pour vos commentaires. :)

Philisine Cave a dit…

Il me tente mais je ne sais pas encore si je vais lui trouver de la place ! bises et merci pour ton billet

Anonyme a dit…

je l'ai lu et j'ai apprécié cette amitié entre homme. Un très beau livre. Merci pour l'article

Mascha a dit…

Philisine Cave : Il vaut vraiment la peine d'être lu en tout cas. Tu devrais vraiment lui trouver de la place, hihi. ;)

Nanajoa : Merci pour ton commentaire. ^^