samedi 26 novembre 2011

« Nataq » - de Richard Desjardins

Une chanson du grand poète et chansonnier, Richard Desjardins.
À écouter au moins une fois dans sa vie, sous peine de manquer une chanson à la poésie pure, au piano dont les airs classiques possèdent quelques nostalgies, à l'histoire enivrante d'une allégorie de la découverte de l'Amérique par les Premières Nations - ici symboliquement nommées Nataq par l'artiste honoré par le dictionnaire Larousse.

 
Nataq

Toi, tu es ce soleil aveuglant les étoiles
Quand tu parles au mourant sa douleur est si douce.
Pour trouver le ravage et tuer l’animal,
Pour trouver le refuge tu es mieux que nous tous,
Nataq.

Je dis que je ne peux rêver la vie sans toi.

J’ai la mémoire des eaux où je me suis baignée.
Maintenant que tu vis, que je rêve à la fois,
Tout mon être voudrait que tu sois le dernier,
Nataq.

Mais je ne veux pas mourir sur ce rocher accore

A la vue des autres, abusée par les dieux.
Il n’y a pas de fleurs pour jeter sur mon corps,
Et qui donc frappera le tambour de l’adieu?

Je te le redis, je te suivrai dans la fosse,

Mais je veux de la terre, ô Nataq, tu m’entends!
Si cela te convient, si la vie nous exauce,
Nous serons ensemble jusqu’à la fin des temps.

Mais je suis si inquiète, la lumlère retarde

Un peu plus chaque jour, ton silence m’opprime.
Ouvre les yeux et vois que les loups nous regardent,
Ils ont déjà choisi le moment, la victime.

Et voilà que s’échappe dans ce ciel obscurci

Le souffle du chaman étranglé de remords.
Vois! il tremble de peur et ses doigts sont noircis,
Et pendant que je t’aime, il appelle la mort.

Si la mort se hasarde où s’achève le monde

Sois certain qu’elle ne viendra pas que pour lui
Cachons bien nos blessures, elle s’en vient pour le nombre.

Ô Nataq bien-aîmé, moi, mon cœur a conclu,

Moi, je meurs de mourir dans ce funeste camp.
Oui, nous sommes perdus comme nul ne le fut,
Oui, nous sommes perdus maints encore vivants.

Ouvre les yeux et vois cette nuée d’oiseaux

A l’assaut de la mer inconnue, où vont-ils?
Moi je dis que là-bas il y a des roseaux
Allons voir, allons voir; je devine des îles

Où le jour se lève, me nourrit et se couche,

Sur des plumes divines et des cavernes sûres.
Il y aura de l’eau chaude comme ta bouche
Pour accoucher la fille et fermer sa blessure.

A ton signe, à ta voix, recueillis sous tes lances,

Des troupeaux de bisons réclamant sacrifices,
Et quand éclatera la lune d’abondance,
Des orages de fruits pour que vive ton fils.

Ton destin est le mien, nous ne mangerons plus

Nous irons frayer aux savanes intérieures,
Et tu t’enflammeras mon désir pur et nu
Que je hurle ta joie, que tu craches mon cœur.

Et si par miracle nos prières parviennent

A calmer ces dieux fous que ta douleur fascine,
Je n’accepterai pas que l’un d’eux me ramène
Où j’ai pleuré du sable et mangé des racines.

Je ne retourne pas sur les lieux des anciens,

Sous les lois de guerriers débouchant aux clairières,
La mémoire brûlée, le flambeau à la main
S’il me faut retourner, je retourne à la mer.

Je suis jeune, Nataq, comme un faon dans l’aurore,

Et la vie veut de moi et voudrait que tu viennes
Réveillons la horde, je l’entends qui l’implore
Attachons les épaves aux vessies des baleines.

Nous serons les premiers à goûter aux amandes

Traversons, traversons, amenons qui le veut.
Aime-moi! Aide-moi! Mon ventre veut fendre.
Je suis pleine, Nataq, il me faudra du feu.

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