lundi 25 juin 2012

Le test de Bechdel

Dorénavant, tous* les films critiqués sur ce blogue seront soumis au test de Bechdel.

En quoi consiste ce fameux test?

Développé à l'origine par Alison Bechdel et Liz Wallace dans la bande-dessinée Dykes to Watch Out For, il s'agit d'une grille d'analyse féministe qui mesure d'une très simple façon la présence féminine dans les films.


Ce test se décline selon trois critères :
  1. Y a-t-il au moins deux personnages féminins dans le film, avec un nom...
  2. qui parlent l'une avec l'autre…
  3. au sujet d’autre chose qu’un homme ?
Et lorsqu'on dit d'autre chose qu'un homme, on dit n'importe quel sujet, stéréotypé, comme des chaussures, ou insignifiant, comme une chaise, une perruche, le caca du chien-chien... Pas besoin de profondeur ou de philosophie pour passer le test.
Il existe une version allongée du test :

     4. Ces femmes, avec un prénom et qui entretiennent la conversation, parlent-elle d'autre chose que des hommes durant au moins une minute?

Beaucoup de films qui réussissaient les trois premières étapes échouent cette quatrième.
Il existe aussi un Bechdel des couleurs :

     1. Deux personnages de couleur, qui ont aussi des noms...
     2. qui parlent ensemble...
     3. d’autre chose que d’un caucasien?

De grands films sur la libération des noirs ne passent même pas le test.

Pourquoi ce test?
Cette grille d'analyse n'explique en rien la profondeur d'un film. Il ne révèle pas ses qualités, ni rien de tout cela. Certains films, géniaux, et que j'adore et que je recommande, ne réussissent pas le test, alors qu'ils possèdent de grandes qualités cinématographiques. Le contraire demeure tout aussi vrai. Pensons aux films dits « de filles », qui, finalement, s'avèrent assez androcentrique ou remplis de clichés sexistes.
Toutefois, le test de Bechdel en révèle beaucoup sur la nature d'un film, et, en général, sur la nature hollywoodienne. Le but du test de Bechdel, qui, à la base, demeurait une blague féministe, est désormais pris au sérieux par les critiques et les fans de cinéma. Quel est ce but? De montrer le problème de représentation - l'immense problème - de Hollywood envers les femmes, et, de manière étendue, les gens de couleurs. Les scénaristes, les réalisateurs, les producteurs sont plus souvent qu'autrement, des hommes. Intéressés par le profit, ils pensent que de s'adresser à un public jeune, mâle et hétéro est gage de réussite. Peu importe les succès au box-office pour les films dont l'héroïne est une femme. Ces hommes ne veulent montrer que des films d'hommes fait par et pour des hommes, où les femmes ne servent que de simples décorations. Rares sont les films où une femme possède une nature à part entière, crédible et profonde. Le test de Behdel pointe donc du doigt ce problème aussi tenace aujourd'hui qu'autrefois, et qui fait que les rôles féminins à Hollywood ne sont pas plus nombreux de nos jours qu'il y a soixante ans!! (oui oui!).
Dans de nombreux films oscarisés, on y voit une représentation de l'homme blanc hétérosexuel, qui n'est non pas une personne (chers lecteurs, ne vous sentez pas visés), mais un concept significatif sur la soumission à des normes sociétales : le corps parfait n'est pas féminin, pas coloré, pas homosexuel, pas transgenre, pas handicapé, pas végétarien, pas militant, pas trop jeune, pas trop vieux, etc. Bref, le héros mâle, blanc et hétérosexuel ne défie aucune norme. Il est complètement conformé à la société, et refuse d'intégrer à son discours tout ce qui pourrait venir la perturber. Ce concept se retrouve dans de nombreux films populaires ou d'auteur, qui ne cherchent pas à renverser l'ordre établi. Le test de Bechdel devient donc subversif dans une société où on accepte couramment l'idée qu'un film qui n'ait qu'un seul personnage féminin pour vingt hommes, et tant pis si celle-ci n'a d'autre nom de « petite amie du héros ».

Et encore, le test de Bechdel ne pose que des questions de base. Il demande si une femme possède un nom, et non des motivations, une autonomie, des idées, des sentiments, de l'indépendance, une force certaine. Il demande si deux femmes discutent ensemble une seule fois dans le film, et non si ces conversations font progresser l'histoire ou s'y inscrivent comme éléments principaux. Il demande si ces femmes parlent d'un sujet en dehors des hommes, et non pas du sens de la vie, de culture, de société, de spiritualité, de science, de militantisme ou d'anecdotes qui les rendent vivantes. Le test de Bechdel ne fait qu'évaluer l'essentiel : la présence des femmes dans un film, et si celle-ci ne sert qu'à servir les personnages masculins.

Un excellent article du blogue Je suis féministe décrit le test en détail : Le test de Bechdel ou Hollywood déteste les Femmes.

Plusieurs vidéos de Feminist Frequency expliquent et se servent du test dans leur capsule.
(Il y a des sous-titre français pour ces trois vidéos).

Le test de Bechdel,
 

 le point de vue privilégié selon les genres,
 

et une analyse des films nominés aux Oscars en 2011
ainsi qu'une explication plus poussée des raisons d'être du test de Bechdel.

  *Ou plutôt devrais-je dire tous les films lorsque j'y penserai.

2 commentaires:

Philisine Cave a dit…

J'adore ton article : franchement il m'a bien réveillée ! bises

Mascha a dit…

Philisine : Tant mieux si mon billet t'a fait réfléchir. Je ne l'aurai donc pas écrit pour rien. ;)